LA STUPIDITÉ 2.0 : LE NOUVEL ÂGE D’OR DE L’IGNORANCE ÉCLAIRÉE

Publié le 9 octobre 2025 à 10:31

Une nuit blanche, une fiction… enfin, je crois

Cette nuit, je n’ai pas très bien dormi.
Alors, comme souvent quand le sommeil s’éloigne, j’ai laissé mon esprit divaguer.
Et il m’est venue une idée. Une fiction, bien sûr. Oui, une pure fiction.

Vous savez, ce genre d’histoire un peu folle, un peu trop plausible pour être totalement inventée, mais que l’on présente quand même comme une œuvre d’imagination pour ne pas trop effrayer les consciences tranquilles.

J’ai imaginé un monde.
Un monde pas si lointain, pas tout à fait futuriste, mais pas encore tout à fait assumé.
Un monde où les gens croient être libres, croient penser, croient agir.
Un monde où la révolte se fait assise, la pensée se fait copier-coller, et la vérité se télécharge.

Une fiction, donc. Rien de plus.
Mais j’aimerais savoir ce que vous en pensez.
Imaginons, pure hypothèse, que tout cela devienne un jour un téléfilm ou un reportage.
Quelque chose d’à la fois drôle et dérangeant, poétique et satirique, un miroir tendu à notre époque.
Une fiction, évidemment.
Qui n’existe pas.
Que j’ai totalement inventée.

Enfin, je crois.

 

LA STUPIDITÉ 2.0 : LE NOUVEL ÂGE D’OR DE L’IGNORANCE ÉCLAIRÉE

Ah, la stupidité !
Cette chose si charmante, si universelle, si pratique.
Autrefois, elle se repérait à la campagne, à la taverne ou au bureau des ragots.
Aujourd’hui, elle a migré sur les réseaux, s’est branchée au Wi-Fi et s’est offerte un doctorat en indignation morale.

La stupidité moderne ne se cache plus. Elle s’affiche, se revendique, se multiplie par algorithme.
Et surtout, nouveauté du siècle, elle se croit intelligente.
Nous avons inventé la stupidité éclairée, la bêtise certifiée, la connerie sous label éthique.

La métamorphose du crétin en citoyen conscient

Autrefois, le sot se taisait.
Aujourd’hui, il commente, partage, s’indigne, argumente même, armé d’un PowerPoint d’opinions préfabriquées.
Il a des convictions, beaucoup de convictions. Et plus elles sont simples, plus elles lui semblent profondes.

On ne cherche plus à comprendre, on veut ressentir.
On ne vérifie plus, on partage.
On ne lit plus, on like.

Et l’on appelle cela « être informé ».

C’est beau, non ?
Le progrès a libéré l’homme de la fatigue de penser.
Grâce à la magie du numérique, on peut désormais avoir une opinion sur tout, sans rien savoir de rien.

Bienvenue dans la fabrique du consensus

Ah, la belle machine que voilà.
Elle n’a pas besoin de méchants ni de manipulateurs diaboliques à la Orwell.
Il lui suffit d’une multitude de braves gens, sincères, doux, bienveillants, persuadés d’être du bon côté de l’histoire.

Le consensus, c’est l’art subtil de fabriquer l’accord général sans jamais en avoir l’air.
On ne vous dit pas quoi penser, non. On vous montre simplement ce qu’il est socialement risqué de ne pas penser.
Et l’humain, cet animal grégaire déguisé en individu libre, s’exécute aussitôt.

Le résultat ?
Une société d’opinions toutes identiques, mais fièrement présentées comme divergentes.
Chacun a sa vérité, son ressenti, son analyse personnelle, étrangement semblables à celles du voisin, du journaliste, de l’influenceur ou du rebelle officiel.

Le rebelle assis : nouvelle figure héroïque du XXIe siècle

Le rebelle moderne ne prend plus les armes, il prend la parole.
Il ne descend plus dans la rue, il descend dans les commentaires.
Il ne brûle pas de drapeaux, il brûle de certitudes.

Son arme, c’est le hashtag.
Sa barricade, c’est le canapé.
Son cri de guerre, c’est « J’ai lu un article ! »

La noble rébellion de salon a remplacé l’insurrection.
Ces esprits libres dénoncent le système tout en diffusant leurs diatribes via des plateformes appartenant au système.
Ils hurlent contre la manipulation des masses, entre deux publicités ciblées pour un smartphone conçu par les mêmes multinationales qu’ils détestent.

Mais ils se sentent libres, et c’est là tout le génie du dispositif.

La réalité, désormais, n’est plus qu’un reflet numérique d’elle-même.
Le monde s’est dématérialisé.
Assis dans son salon, le citoyen croit participer à l’histoire, croit changer le monde, croit combattre l’injustice, alors qu’il ne fait que déplacer des pixels.
Il clique, il commente, il partage.
Chaque geste lui donne l’illusion d’agir, alors qu’en vérité, il ne fait que nourrir la machine.
Des clics partout, des likes par millions, et pourtant, rien ne bouge.
Le réel s’éloigne, remplacé par sa version virtuelle, douce, propre, inoffensive.

Pour ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre, cela doit être un spectacle délicieux.
Ils doivent en rire, ces invisibles maîtres du jeu, en voyant ces foules connectées se croire rebelles depuis leur canapé.
Le système n’a plus besoin de réprimer, il suffit de distraire.
Et tout le monde applaudit sa propre captivité.

Bientôt, les faux rebelles eux-mêmes seront remplacés.
Les bien-pensants prendront leur place.
Leurs commentaires seront modérés, corrigés, ajustés pour convenir à la morale du moment.
Les voix discordantes seront supprimées, transformées, réécrites, et personne ne s’en apercevra.
C’est là toute la beauté du piège, il est si doux, si silencieux, que l’on y entre en souriant.

Nous sommes tombés dans la stupidité 2.0, ou plutôt 5.0.
Une stupidité de haute technologie, programmée, confortable, consensuelle.
Nous croyons nous libérer alors que nous nous enfermons davantage.
Et ceux pour qui nous votons, ceux que nous croyons placer à la tête du pays pour défendre nos intérêts, ne sont eux-mêmes que des pantins bien habillés.
Ils sont choisis, placés, façonnés pour servir, et non pour penser.
Ils obéissent à un pouvoir invisible, à un gouvernement de l’ombre qui décide de ce qui doit être dit, fait ou tu.

On leur offre des discours différenciés, des postures opposées, pour attirer le maximum d’adeptes, mais derrière les décors, tous récitent la même partition.
Et nous, spectateurs crédules, applaudissons selon la couleur de la cravate ou le ton de la promesse.
Ah, quelle sublime mise en scène.
On nous donne le choix entre deux illusions et on appelle cela la démocratie.

Regardez les élections, un maire ici, un candidat là, chacun proclamant être là pour le peuple.
Mais qu’y a-t-il de plus ?
Rien, sinon la répétition des mêmes promesses, la même inertie, le même mensonge élégant.
Leur liberté se limite à choisir la couleur des affiches et la nuance de leur sourire.
Et pourtant, le peuple croit, encore et toujours, que cette fois, ce sera différent.

Mais ce n’est jamais différent.
C’est toujours le même scénario, le même décor, le même théâtre.
Et ils ont raison, ceux qui orchestrent tout cela, de sourire de notre naïveté.
Car finalement, ils n’ont même plus besoin de nous tromper, nous le faisons très bien tout seuls.

La liberté, cette illusion si confortable

La liberté rend libre, libre d’écouter, libre de raisonner, libre de se croire informé.
Libre de cliquer, libre d’applaudir.
Libre de tout commenter depuis son salon, sans rien savoir des tenants ni des aboutissants.
Libre de répéter ce que nous font croire les rebelles, eux aussi assis dans leur salon.

Ce paragraphe résume toute notre époque.
Nous sommes libres, oui, libres de choisir entre deux chaînes qui disent la même chose, entre deux indignations programmées, entre deux illusions de pensée critique.
Libres de nous tromper, tant que nous le faisons dans les limites du narratif officiel.
Libres de débattre, tant que nous restons dans le champ de ce qu’il est convenable de questionner.

Et cette liberté virtuelle, cette liberté de façade, suffit à calmer nos consciences.
Nous croyons participer, mais nous ne faisons qu’entretenir la machine.
Nous croyons penser, mais nous ne faisons que réagir.
Nous croyons voir clair, mais la lumière qui nous éclaire est celle d’un écran qui nous hypnotise.

Les bons, les méchants et l’âme de l’ego

Dans tout ce théâtre, il est essentiel qu’il y ait des bons et des méchants.
L’humanité a besoin de camps, de drapeaux, de causes, de héros et de démons.
Elle aime choisir un côté, se sentir appartenir à quelque chose.
C’est le grand manège moral du monde moderne. On ne cherche pas la vérité, on cherche l’équipe du bien.

L’humain aime être un supporter.
Il se lève pour applaudir, hurle pour son camp, pleure pour sa cause, insulte l’adversaire.
Il a ainsi l’impression de se battre pour le bien.
Et cela fait tellement de bien à l’âme.
Ou plutôt, à l’âme de l’ego.

Car cette âme-là n’est pas celle qui s’élève, mais celle qui se justifie.
Elle a besoin d’être du bon côté, de croire qu’elle agit avec pureté, même quand elle juge, même quand elle exclut.
Elle ne cherche pas la paix, mais la victoire morale.
Elle ne cherche pas la compréhension, mais la validation.
Et dans cette joute perpétuelle, le bien devient un drapeau qu’on agite, non une lumière qu’on incarne.

L’algorithme, ce nouveau Dieu discret

Dieu est mort, vive l’algorithme.
Il connaît tout de nous, nos goûts, nos peurs, nos colères, nos faiblesses.
Et il les nourrit avec une précision quasi divine.

Il ne nous oblige pas, il nous suggère.
Il ne nous impose rien, il nous guide.
Il ne censure pas, il déclasse.

Et le miracle, c’est que nous l’aimons.
Nous vénérons ce Dieu froid et invisible qui sait ce que nous voulons avant même que nous le sachions nous-mêmes.
Nous avons troqué la prière contre la notification, la foi contre la recommandation, l’intuition contre le fil d’actualité.

L’homme moderne, un pantin persuadé d’être marionnettiste

Jamais l’humanité ne s’est autant crue éveillée.
Jamais elle n’a autant dormi.

Nous avons des outils d’information illimités, et pourtant, jamais nous n’avons été aussi désinformés.
Nous avons accès à toutes les voix du monde, mais nous n’écoutons plus que celles qui confirment ce que nous pensions déjà.
Nous avons des milliards d’opinions, mais plus une seule pensée originale.

Le plus tragique, c’est que nous nous croyons libres.
Et c’est précisément ce qui fait de nous des esclaves consentants.

La servitude moderne n’a plus besoin de chaînes.
Elle a des écrans, des abonnements, des tendances.
Elle nous fait aimer ce qui nous endort et nous détester ce qui pourrait nous réveiller.

La méchanceté n’est rien à côté de la stupidité

Dietrich Bonhoeffer l’avait vu avant tous.
La stupidité est un ennemi du bien bien plus dangereux que la méchanceté.

Car la méchanceté, au moins, se sait malfaisante.
Elle agit avec conscience.
La stupidité, elle, agit avec conviction.
Et la conviction stupide est une arme de destruction massive, douce, souriante, persuadée d’être du bon côté.

Elle ne dit pas, je veux faire le mal.
Elle dit, je fais cela pour le bien commun.
Et c’est là que tout devient terrifiant.

Car la stupidité morale se croit noble, juste, éclairée.
Elle ne doute jamais.
Elle exclut, annule, méprise et condamne au nom du Bien.
Elle est la matrice des fanatismes modernes, ceux qui ne hurlent pas dans la rue, mais qui trient leurs amis en ligne selon leur conformité idéologique.

L’humour, dernier refuge des lucides

Rire, c’est résister.
Pas le rire cynique du désespoir, mais le rire lucide, celui qui démonte les mécanismes, qui montre la ficelle sous le rideau.

Le sarcasme est aujourd’hui un acte de survie.
Quand la stupidité s’impose avec gravité, l’humour devient l’arme la plus subversive.
Il désamorce, il désillusionne, il remet du réel là où tout est posture.

Le problème, c’est que la stupidité n’a pas d’humour.
Elle ne rit que d’elle-même et toujours au premier degré.
Tentez une ironie, et elle vous taxe de mépris.
Faites une blague, et elle réclame votre bannissement.
La bêtise n’a pas peur des idées, elle a peur du ridicule.

La bienveillance obligatoire, nouvelle religion d’État

Autrefois, on brûlait les hérétiques.
Aujourd’hui, on les annule.
Même concept, meilleure ergonomie.

La bienveillance est devenue un instrument de contrôle.
Pense comme moi, sinon je t’exclus, mais avec amour.
C’est la tendresse punitive, la morale inclusive, l’idéalisme autoritaire.
Et le plus beau, c’est que personne ne se croit totalitaire, tout le monde se croit gentil.

Nous avons inventé le totalitarisme souriant, celui qui ne frappe pas mais qui déconnecte, celui qui n’enferme pas mais qui invisibilise.
Et l’on applaudit, car c’est pour la bonne cause.

La stupidité, moteur de la modernité

Ne vous méprenez pas, la stupidité n’est pas un accident.
C’est un moteur économique.
Elle nourrit la publicité, la politique, les médias, les réseaux.
Elle vend tout, de la crème antirides à la guerre juste, de la révolution du week-end à la conscience écologique en solde.

Plus les gens pensent peu, plus ils consomment bien.
Plus ils doutent peu, plus ils votent docilement.
La stupidité, c’est le pétrole du capitalisme émotionnel.
Et croyez-moi, le gisement est inépuisable.

Et, maintenant ?

Nous avons créé un monde où chacun veut sauver la planète sans sortir de chez lui.
Où tout le monde veut éveiller les consciences, sauf la sienne.
Où chacun veut changer le monde, mais refuse de se changer soi-même.

Nous avons la liberté comme slogan, la bienveillance comme drapeau et la superficialité comme art de vivre.
Et au milieu de tout cela, quelques esprits encore lucides tentent de rire pour ne pas pleurer.

 

En guise de conclusion,

La stupidité moderne n’est pas bête.
Elle est efficace, morale et satisfaite d’elle-même.
Elle a troqué la vérité contre le confort, la profondeur contre la vitesse, la pensée contre le réflexe.

Et le pire, c’est qu’elle se croit éveillée.

Mais il reste un espoir.
La conscience n’est jamais morte, elle sommeille.
Et parfois, une étincelle suffit, un rire, une phrase, une conversation, pour rallumer le feu.

Alors rions.
Rions de cette humanité qui se croit libre en scrollant ses chaînes.
Rions de nous-mêmes, de nos contradictions, de notre sérieux.
Car le jour où nous ne pourrons plus rire de notre bêtise, c’est que nous y aurons sombré pour de bon.

 

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