Aux racines du monde : Afrique et Éthiopie, berceau et mémoire sacrée de l’humanité

Publié le 15 mai 2025 à 13:16

Afrique, matrice palpitante de l’humanité, berceau de récits fondateurs et théâtre d’initiations millénaires, la terre où nos premiers battements de cœur ont résonné continue de vibrer au fil des livres sacrés et des grandes étapes de l’histoire. Parmi ses hauts plateaux, l’Éthiopie se détache comme une cime intemporelle, elle abrite les plus anciennes traces d’Homo sapiens, protège des écritures mythiques, et incarne à elle seule la résistance, la foi et l’espérance. Remontons la rivière du temps pour entendre comment l’Afrique nourrit la mémoire sacrée et comment l’Éthiopie, telle une sentinelle des origines, accompagne l’essor de l’humanité.

L’Afrique dans les livres sacrés

Bible hébraïque et Nouveau Testament

  • Égypte : dès la Genèse, l’Afrique apparaît sous les traits fertiles du Nil, Joseph y devient vizir et unifie des peuples affamés.

  • Coush/Koush : désignation antique englobant Nubie et Éthiopie. Moïse épouse une « femme koushite », union qui scandalise Myriam, signe qu’en ces temps lointains l’Afrique n’est pas périphérie mais altérité prestigieuse.

  • Reine de Saba : voyage de la souveraine « noire et belle » (Ct 1,5) jusqu’à Jérusalem afin d’éprouver la sagesse de Salomon, la tradition éthiopienne fera de leur fils Ménélik l’ancêtre d’une lignée sacrée.

  • Psaume 68,31 : « L’Éthiopie tendra les mains vers Dieu » prophétie messianique qui irrigue l’imaginaire africain des Églises primitives.

  • Éthiopien eunuque (Ac 8,26-40) : haut fonctionnaire de la reine Candace, baptisé par Philippe, première conversion africaine attestée dans l’Église naissante.

Coran et tradition islamique

  • La sourate Maryam célèbre l’Annonciation dans une tonalité proche des évangiles, or une partie des tout premiers musulmans trouve refuge vers 615 dans le royaume d’Abyssinie, protégé par le négus. Cette « hégire antérieure » érige l’Éthiopie en terre d’accueil bénie.

  • Bilâl al-Habashî (« l’Éthiopien »), premier muezzin de l’islam, affranchi par Abû Bakr, rappelle que la voix d’Afrique porta la prière inaugurale.

Livres propres à l’Afrique

  • Livre d’Hénoch (1 Hénoch), préservé intégralement en guèze, irrigue la théologie éthiopienne et fut cité dans l’épître de Jude.

  • Kebra Nagast, épopée nationale relatant l’Alliance transférée à Axoum et la descendance salomonienne, considérée comme scriptura sacra dans l’Église Tewahedo.

  • Livre des morts égyptien, oracles d’Ifá yoruba ou chants des griots mandingues, autant de corpus où cosmogonie, éthique et rituel s’entrelacent, démontrant que la Parole sacrée fut plurielle sous le ciel d’Afrique.


 

Éthiopie, berceau de l’humanité physique

Les versants basaltiques du rift afarien ont conservé des pages fossiles inédites.

  • Ardipithecus ramidus (4,4 Ma) et Australopithecus afarensis (« Lucy », 3,2 Ma) témoignent d’une station bipède avant la poussée cérébrale.

  • Omo I (env. 195-230 ka) et Herto (160 ka) offrent les plus vieux Homo sapiens identifiés, fixant l’apparition de notre espèce sur les berges de l’Omo et de l’Awash.

  • Le modèle Out of Africa montre ensuite plusieurs ondes migratoires jusqu’à l’expansion décisive d’il y a 70 000 ans.

Ainsi, l’Éthiopie n’est pas seulement un pilier spirituel, elle est la matrice biologique d’où s’élance la grande marche humaine.

Résistances, symboles et renaissance contemporaine

  • Adoua (1896), l’armée de Ménélik II repousse l’Italie, transformant l’Éthiopie en phare d’indépendance pour le continent.

  • Haile Sélassié I (1892-1975) incarne, pour le mouvement rastafari, la promesse biblique d’un Zion africain.

  • Organisation de l’unité africaine (1963) naît à Addis-Abeba, l’Éthiopie devient capitale diplomatique d’un continent aspirant à la dignité retrouvée.

Contributions éthiopiennes au patrimoine humain

Domaine :

Héritage Agro-biodiversité Découverte du caféier dans la province de Kaffa, aujourd’hui boisson rituelle unissant les peuples.

Écriture Alphasyllabaire guèze, l’une des rares écritures originaires d’Afrique encore vivantes via l’amharique et le tigrinya. Musique liturgique Système des « qené » et tambours kébero, mêlant voix, pas rythmés, poésie métaphorique.

Médecine traditionnelle Usage séculaire de l’encens, des résines de myrrhe, de la rue officinale dans les rites de guérison. Architecture Obélisques stélaires d’Axoum, complexes troglodytes de Lalibela, châteaux de Gondar, synergie d’archétypes nilotiques, byzantins et indigènes.

Conclusion

Du murmure des ossements d’Omo à la clameur des stades d’Addis-Abeba, l’Afrique, et l’Éthiopie en son cœur, nous rappelle que l’humanité s’est d’abord façonnée sous un soleil d’ocre et de myrrhe. Elle loge dans ses montagnes les gènes de notre marche, dans ses récits la mémoire d’alliances sacrées, dans ses poitrines la ferveur de voix qui ont appelé Dieu par mille noms. Approcher ces racines, c’est comprendre que ni l’histoire spirituelle ni le destin collectif ne peuvent être pensés sans cette matrice africaine, là où le corps se dressa, l’âme trouva des mots pour dire le mystère, et l’esprit forgea des voies pour habiter le monde avec dignité.

Mon opinion personnelle
Il est poignant de constater combien le récit humain, résumé trop souvent à la périphérie d’un empire ou d’un livre, retrouve sa cohérence dès que l’on accepte l’Afrique comme scène centrale. L’Éthiopie, loin d’être une parenthèse exotique, est peut-être le meilleur miroir de nos contradictions, foyer d’une foi ancienne et pourtant laboratoire d’indépendances modernes. Contempler cette histoire, c’est mesurer le risque terrible de l’oubli, c’est aussi sentir en soi l’appel d’une sagesse patinée par le temps, une sagesse qui nous intime, avec douceur mais fermeté, de tendre les mains, ensemble, vers un avenir capable de se souvenir de ses sources.

 

Giulio Fioravanti

Eclaireur de Vie.

 

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